Trail Of The Caribou
Le 8 août 1934, un événement d’une importance nationale et historique se déroula à Wasaga Beach. Le premier vol outremer à partir du Canada prit son envol de la plage naturellement longue et droite de Wasaga. La plage représentait la piste de décollage parfait pour une telle entreprise!
Cet événement mémorable a sa source dans une tentative infructueuse qui avait été faite l’année précédente. En 1933, l’as de l’aviation britannique, le capitaine James Mollison et son épouse, Amy Johnson, vinrent à Wasaga Beach avec l’avion nommé le Seafarer II. Leur espoir était de battre le record du monde de vol de longue distance de 9 105 kilomètres (5 657 milles) qui avait été établi par deux pilotes français en 1933. Ils prévoyaient se rendre à Bagdad, à une distance de plus de 10 000 kilomètres (6 300 milles).
La présence des Mollison et de leur avion, ainsi que de plusieurs experts de la De Havilland Aircraft Company, suscita une grande excitation à Wasaga Beach! À l’aube du grand jour, pratiquement toute la population locale était venue y assister. Des enfants balayaient la plage pour enlever les branches et les cailloux en préparation du spectacle.
La foule allait toutefois être déçue. Un grand vent de travers soufflait et empêcha deux tentatives de décollage. À la troisième tentative, l’avion décolla, mais rebondit au sol, tordant son train d’atterrissage et immobilisant l’aéronef. Personne ne fut blessé, mais l’accident mit fin à la tentative de vol cet été-là.
L’année suivante, les résidents de Wasaga apprirent que deux Canadiens, James Ayling et Leonard Reid, avaient acheté l’avion des Mollison et tenteraient le même vol au mois d’août. Ils renommèrent l’avion Trail of the Caribou. Dans son court ouvrage sur ce vol historique, G. Ray Gibson cite un propriétaire de chalet de l’époque, Bill White, qui avait été témoin des événements de cette journée :
« La plage était paisible à cette époque… l’événement le plus excitant qui pouvait se passer de temps en temps était le passage d’un avion du Camp Borden. Ce genre de chose vous faisait abandonner toute besogne que vous faisiez pour courir dehors et regarder l’avion passer. C’était donc avec beaucoup d’excitation que nous avons appris… Que nous allions voir un avion décoller de la plage! »
Les préparatifs pour le vol se déroulèrent passablement de la même manière que pour le Seafarer II. Les ingénieurs de De Havilland étaient sur place pour faire les derniers réglages de l’avion. Le Collingwood Board of Trade, en collaboration avec les résidents des environs de la plage, prit des dispositions pour niveler le sable de la plage en utilisant une niveleuse de chemin tirée par quatre gros chevaux. Près de 6,5 kilomètres (4 milles) de plage furent nivelés et les grosses pierres et les morceaux de bois furent tous enlevés pour assurer la réussite.
Avec beaucoup d’anticipation, le 8 août arriva et le décollage était prévu pour 6 h. Comme dans le cas de l’échec des Mollison l’année précédente, de forts vents de travers dominaient et le moins qu’on puisse dire est que le décollage fut précaire. L’avion parcourut environ un mille avant de lentement s’élever dans les airs et après un grand virage au-dessus de la baie Georgienne pour gagner de l’altitude, il revint faire un passage au-dessus des spectateurs sur la plage en se dirigeant à l’est, vers Bagdad. Selon White :
« Nous l’avons observé s’éloigner dans le ciel jusqu’à que nous l’ayons perdu de vue. Vint ensuite la longue attente jusqu’à ce que nous apprenions par la radio le 9 août que le « Trail of the Caribou » avait atterri à Heston, Middlesex, en Angleterre. Le vol avait duré 30 heures et 55 minutes. Comme enfants, nous étions un peu déçus que le vol n’eût pas continué jusqu’à Bagdad, car cela semblait un endroit plus romantique qu’un lieu dont nous n’avions jamais entendu parler appelé Heston. En me rappelant ce vol, je dois admettre que c’était aussi excitant pour les gens de Wasaga Beach ce 8 août 1934 que tout vol dans l’espace peut l’être aujourd’hui pour ceux qui les regardent à la télé! »
Gibson inclut également sa propre reconstitution des fascinants événements qui eurent lieu le jour du vol (cette information est tirée du journal de bord) :
« Ayling et Reid se levèrent très tôt le matin du vol afin de superviser l’inspection finale et le chargement de l’aéronef. En plus des réservoirs standard de 60 gallons, un réservoir supplémentaire de 600 gallons fut installé dans le fuselage au centre de gravité de l’aéronef. Les ingénieurs de De Havilland firent leurs vérifications et le « Trail of the Caribou » était prêt pour le vol.
Les membres de l’équipage firent leurs adieux et envoyèrent la main à plusieurs spectateurs qui attendaient le décollage. Le décollage eut lieu à 6 h 12, heure normale du Canada, à un point situé environ un mille du commencement du roulage. Bientôt, les moteurs étaient en marche et après une courte période de réchauffement, l’avion commença à rouler; très lentement au début, mais de plus en plus vite à mesure qu’il accélérait sur la plage. Il a semblé une éternité avant que la queue s’élève et encore plus de temps avant que l’avion décolle lentement du sol. Il y avait une brise de travers sur la plage que l’équipage compensa en virant lentement vers le lac.
Lentement l’aéronef gagna de l’altitude et repassa au-dessus du point de départ en tournant vers l’est et Peterborough. Son trajet le mena vers l’est le long du Saint-Laurent et de nombreuses personnes le virent passer en route, particulièrement dans la région de Québec. Il fut aperçu au-dessus du détroit de Belle-Île à 16 h 25 et disparut dans l’obscurité. Les pilotes avaient prévu s’échanger les commandes de l’avion à des intervalles de 3 heures. Après les deux premiers intervalles, ils réduisirent le cycle à des quarts de 2 heures. Il s’avéra que des périodes de 3 heures étaient trop exigeantes et laborieuses.
Dès le départ, ils eurent des difficultés à régler le papillon des gaz des moteurs pour voler à une vitesse de croisière économique. Cependant, une fois le réglage établi, les moteurs fonctionnèrent sans difficulté. Pour la première étape du voyage, ils bénéficièrent d’un vent de queue. Au-dessus de la partie est de l’Atlantique, ils entrèrent dans un banc de brouillard épais qui les força à voler à l’aveuglette pendant près de 8 heures, avant de voir l’Atlantique dans des percées du brouillard. En grimpant hors des bancs de brouillard, ils subirent le givrage des carburateurs des deux moteurs. Cela les força à utiliser les moteurs avec les papillons gelés en position ouverte, augmentant ainsi la consommation de carburant de 10 gallons à l’heure à 17 ou 18 gallons à l’heure. Ayling et Reid étaient bien conscients que leur approvisionnement en carburant diminuait rapidement. Reconnaissant que le record ne pourrait pas être battu, ils décidèrent de se contenter d’être les premiers aviateurs à voler sans escale du Canada au Royaume-Uni. »
À 6 h 15, HAE, le 9 août 1934, environ 24 heures après avoir quitté Wasaga Beach, ils virent l’Irlande. Bien qu’ils aient été ralentis par des vents de tête et très en retard sur leur heure d’arrivée estimée, ils étaient particulièrement heureux de noter qu’ils étaient presque exactement sur le trajet qu’ils avaient calculé pour le vol. Sans doute un excellent résultat en considérant qu’ils avaient été forcés de voler aux instruments pour une grande partie de la traversée de l’Atlantique.
Ils arrivèrent au-dessus de l’Angleterre avec 200 gallons de carburant à bord et décidèrent d’atterrir à l’aéroport de Heston, 30 heures et 55 minutes après avoir décollé de Wasaga Beach. Le but de battre le record du monde du plus long vol sans escale en avion fut un échec, mais le vol fut une réussite en établissant le premier vol entre le Canada et l’Angleterre.
En tant que pilotes qui n’avaient jamais fait de tentative de record de distance, ils démontrèrent un haut niveau de professionnalisme. Leur compétence aéronautique était sans pareil et leur navigation, superbe. Ce vol devint le prototype de nombreux vols qui suivirent avec le pont aérien vers l’Europe durant la Deuxième Guerre mondiale.
Pendant des années après ce vol historique, il était courant de voir de petits avions profiter de la longue piste naturelle offerte par la plage de Wasaga. Toutefois, en raison de l’augmentation de la circulation automobile sur la plage, de telles escapades devinrent de plus en plus dangereuses et furent éventuellement abandonnées. Aujourd’hui, on voit fréquemment de petits avions à Wasaga Beach, mais ce sont des hydravions munis de flotteurs qui atterrissent sur l’eau.
Le 28 août 1958, un cairn commémoratif fut dévoilé lors d’une cérémonie à l’entrée du site historique Nancy Island. Ken Main, contrôleur adjoint de l’aviation civile du ministère des Transports, était présent à l’inauguration. En 1984, la Ville de Wasaga Beach publia le récit de Gibson dans un livret de 47 pages intitulé « Trail of the Caribou ».